Le tourisme marocain connaît une poussée spectaculaire, avec 11,6 millions d’arrivées à fin juillet 2025, soit une hausse de 16 % par rapport à 2024, selon le ministère du Tourisme, de l’Artisanat et de l’Économie sociale et solidaire. Parmi ces visiteurs, 52 % étaient des Marocains résidant à l’étranger (MRE). Le seul mois de juillet a enregistré 2,7 millions de touristes, en progression de 6 %, dont 875 000 touristes étrangers (+2 %) et 1,8 million de MRE (+7 %).
Cette dynamique exceptionnelle reste toutefois fragile. Elle pose la question des limites écologiques du modèle touristique actuel : pression sur la ressource en eau, accès aux sites, gestion des déchets, et protection du patrimoine naturel. Un tourisme responsable ne peut se contenter de chiffres, il doit intégrer une logique de préservation et de responsabilité environnementale en promouvant, par exemple, l’écotourisme, la gestion durable des ressources ou encore des politiques strictes de régulation des flux.
Tourisme de masse surtout dans le nord du pays
Chaque été, le nord du pays connaît une concentration extrême de visiteurs. Chefchaouen est saturée au point que ses habitants dénoncent la hausse des loyers et la transformation du centre historique en zone purement commerciale. Tanger, Tétouan, M’diq et Martil voient leur population tripler ou quadrupler en quelques semaines, provoquant embouteillages, pression sur l’eau et l’assainissement, et augmentation massive des déchets. Les plages méditerranéennes sont surfréquentées, entraînant une dégradation rapide des écosystèmes côtiers. Les impacts se manifestent sur trois plans :
• Environnement : pollution accrue, pression sur les ressources, déchets non maîtrisés.
• Social : hausse des prix, gentrification, perte d’authenticité culturelle.
• Économique : bénéfices concentrés sur une courte période et souvent captés par des acteurs extérieurs.
Témoignages
« L’été dernier, Tétouan était méconnaissable. Les touristes arrivaient par vagues et, face à la saturation de la capacité hôtelière et au manque d’habitations à louer, certains plantaient carrément leurs tentes en plein centre-ville. C’était une chose que nous n’avions jamais vue ici. Les rues étaient saturées, les boulevards bloqués, les déchets s’accumulaient et personne ne semblait se soucier de l’impact sur notre ville. Comme tous les étés, les prix flambaient aussi, rendant la vie plus chère pour les habitants. Même le code de la route n’existait plus, et beaucoup ignoraient nos traditions conservatrices. Nous sommes heureux d’accueillir les visiteurs, mais pas dans ces conditions », témoigne Chahd, une jeune habitante de Tétouan, encore marquée par cette expérience.
« Le nord et ses plages sont littéralement pris d’assaut par les touristes nationaux. Le problème, c’est qu’ils ne trouvent pas où se loger, la capacité hôtelière est limitée, les prix sont exagérés quand il reste une place. Les routes sont bouchées, on passe des heures pour aller d’un point à un autre, et il y a de plus en plus d’accrochages et d’accidents tellement il y a de monde. La classe moyenne, dont je fais partie, préfère parfois partir en Espagne, c’est moins cher, avec un service meilleur », explique Youssef, un Casablancais habitué des étés dans le nord.
Le tourisme marocain ne peut être pleinement durable que si les communautés locales, notamment rurales, sont au cœur du modèle : formation de guides, soutien aux artisans, valorisation des produits du terroir, circuits synergiques entre visiteurs et territoires. Cette approche est essentielle pour conjuguer croissance économique (ODD 8) et consommation responsable (ODD 12).
Le Trophée Maroc du Tourisme durable, créé en 2008 par le ministère du Tourisme, (récompense chaque année les acteurs engagés dans des pratiques respectueuses de l’environnement, des communautés locales et du patrimoine, en conformité avec la Charte Marocaine du Tourisme Responsable.) pourrait jouer un rôle clé pour orienter le secteur vers une dynamique plus durable, en valorisant les acteurs qui investissent dans des pratiques respectueuses du climat, des populations et du patrimoine.
Rédigé par : WB
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