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Social & SociétalEnseignement supérieur
September 2nd 2025, 6:20:21 am

Maroc : la fin des concours pour l’accès au master, entre équité et nouveaux défis

Maroc : la fin des concours pour l’accès au master, entre équité et nouveaux défis

Selon un arrêté publié au Bulletin officiel le 20 août 2025, l’accès au cycle de master se fera désormais sur dossier et non plus par concours. Présentée comme une avancée en matière d’équité et de transparence, cette réforme soulève des enjeux majeurs. Son impact se mesure autant sur le plan social, économique qu’institutionnel, autant de dimensions liées aux objectifs du développement durable.

Pilier social : inclusion et équité en question

La réforme vise à élargir l’accès et à réduire les soupçons de favoritisme attachés aux concours. Selon Bencherifa (2022), les politiques d’enseignement supérieur ne sont durables que si elles réduisent les inégalités d’accès. Mais en pratique, la sélection sur dossier risque de renforcer les disparités régionales : un étudiant d’une grande université métropolitaine reste avantagé par rapport à un étudiant d’une université périphérique moins dotée. De plus, la création d’une licence d’excellence introduit une hiérarchie académique, réservant un accès direct au master pour une minorité. Ce dispositif peut stimuler la performance, mais il risque de creuser les écarts sociaux et territoriaux, loin de l’esprit d’inclusion du développement durable.

Pilier économique : employabilité et risque de diplôme inflationniste

L’obligation d’un mémoire en partenariat avec une structure socio-économique représente une opportunité pour rapprocher l’université du marché du travail. D’après la Banque mondiale (2021), ce lien est indispensable pour que l’enseignement supérieur contribue au développement humain et à la croissance. Cependant, le Maroc fait déjà face à un paradoxe : un taux de chômage de 36,7 % chez les diplômés de 15–24 ans (HCP, 2024). Comme le note Lahlou (2021), «l’université marocaine forme beaucoup, mais insère peu». En augmentant massivement le nombre de diplômés de master, sans ajuster l’offre aux besoins économiques réels, la réforme pourrait accentuer le phénomène de surqualification et aggraver la désillusion sociale. Le défi est donc de conditionner l’ouverture des masters à une analyse prospective des secteurs porteurs (énergies renouvelables, numérique, santé, agriculture durable), afin que le diplôme devienne un levier de développement économique durable et non un simple titre académique.

Pilier institutionnel et environnemental : soutenabilité du système universitaire

La suppression des concours élargira sans doute l’accès au cycle de master. Or, selon l’OCDE (2020), le système marocain souffre déjà d’une gouvernance fragmentée et d’un manque chronique de financement. Accueillir davantage d’étudiants exige des ressources humaines et matérielles accrues : enseignants-chercheurs, salles, bibliothèques, outils numériques, etc.

Du point de vue du développement durable institutionnel, il s’agit d’assurer une soutenabilité : le système doit pouvoir absorber la massification sans dégrader la qualité de la formation ni compromettre la recherche. Sans investissements, le risque est celui d’un système « élargi mais affaibli », incapable d’offrir aux étudiants un encadrement de qualité.

Vers un modèle durable de l’université marocaine

Pour que la réforme s’inscrive pleinement dans une logique de développement durable, plusieurs conditions doivent être réunies :

Social : garantir l’égalité des chances par un accompagnement spécifique des étudiants issus de régions moins favorisées.

Économique : ajuster l’offre de masters aux besoins réels du marché et encourager l’entrepreneuriat innovant.

Institutionnel : investir massivement dans les universités, moderniser les infrastructures et former les enseignants aux nouveaux enjeux.

Comme l’écrit Bencherifa (2022), une réforme de l’enseignement supérieur n’est durable que si elle combine ouverture, qualité et justice sociale. La fin des concours pourrait être une opportunité historique pour rapprocher l’université marocaine des standards internationaux, à condition de ne pas en faire une simple mesure administrative sans moyens réels.

Sources

Bulletin officiel n° 5886 (20 août 2025) : arrêté fixant les nouvelles modalités d’accès au cycle de master.

Haut-Commissariat au Plan (HCP, 2024) : statistiques officielles sur la population et le chômage des jeunes diplômés.

Bencherifa, A. (2022) – Higher Education Reform in Morocco: Challenges and Perspectives, International Journal of Education Development.

Lahlou, K. (2021) – Université et marché de l’emploi au Maroc, Revue marocaine de sociologie.

OCDE (2020) – Perspectives de l’enseignement supérieur au Maroc.

Banque mondiale (2021) – Éducation et développement humain au Maroc.

Rédigé par : WB

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