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Social & SociétalRéforme des retraites
September 2nd 2025, 6:20:26 am

Réforme des retraites au Maroc : entre équilibre financier et dignité des retraités

Réforme des retraites  au Maroc : entre équilibre financier et dignité des retraités

Face à des caisses fragilisées par le vieillissement, l’informalité et des déséquilibres persistants, la réforme des retraites s’impose aujourd’hui au Maroc. Mais au-delà des chiffres, c’est la dignité des retraités et la solidarité entre générations qui sont en jeu.

Au Maroc, la retraite est aujourd’hui au cœur d’un débat décisif. Concrètement, il s’agit du revenu que perçoivent les citoyens après une vie de travail, financé par les cotisations des actifs. Or, depuis plusieurs années, les caisses de retraite accumulent des déficits, en effet, les cotisations ne suffisent plus à couvrir les pensions versées, et les réserves financières s’épuisent progressivement. Si rien n’est fait, certaines caisses risquent de ne plus pouvoir payer les retraités d’ici quelques années. C’est cette situation qui pousse le gouvernement à préparer une réforme, dont l’objectif est de sauver le système, mais qui suscite aussi de fortes inquiétudes car elle peut impliquer des mesures difficiles, comme l’augmentation de l’âge de départ à la retraite ou la baisse des pensions futures.

Le système marocain repose sur plusieurs régimes. La CMR (Caisse Marocaine des Retraites), établissement public, couvre les fonctionnaires civils et militaires. La CNSS (Caisse Nationale de Sécurité Sociale), sous tutelle du ministère de l’Emploi, est obligatoire pour les salariés du secteur privé. Le RCAR (Régime Collectif d’Allocation de Retraite), géré par la CDG (Caisse de Dépôt et de Gestion), concerne les contractuels de l’État et certains agents publics. Enfin, la CIMR (Caisse Interprofessionnelle Marocaine de Retraite) est une association à but non lucratif qui joue le rôle de régime complémentaire, à adhésion volontaire, surtout dans les grandes entreprises privées. Cette pluralité traduit une histoire institutionnelle, mais elle entraîne aussi une fragmentation qui rend le système complexe et inégalitaire. Selon la caisse d’affiliation, les règles diffèrent, les niveaux de pensions varient, et de larges catégories de travailleurs, notamment ceux de l’informel et du monde rural, restent mal couverts.

C’est dans ce contexte qu’a eu lieu, le 17 juillet 2025, une réunion officielle de la Commission nationale sur les retraites, présidée par le Chef du Gouvernement Aziz Akhannouch. Le communiqué diffusé à l’issue de cette rencontre mettait en avant la volonté de trouver une solution consensuelle, en préservant les droits acquis tout en assurant la viabilité financière du système. Quelques semaines plus tard, un rapport conjoint publié par Bank Al-Maghrib (Banque centrale du Maroc), l’ACAPS (Autorité de Contrôle des Assurances et de la Prévoyance Sociale) et l’AMMC (Autorité Marocaine du Marché des Capitaux) est venu confirmer la gravité de la situation. Malgré une légère amélioration temporaire liée aux cotisations, les déséquilibres demeurent, et les pensions civiles pourraient voir leurs réserves s’épuiser dès la prochaine décennie sans réforme en profondeur.

Cette fragilité résulte de plusieurs facteurs. Le vieillissement démographique allonge la durée de versement des pensions. Le rapport entre actifs et retraités s’est fortement dégradé : là où l’on comptait quatre ou cinq cotisants pour un retraité il y a quelques décennies, certaines caisses en comptent à peine un et demi aujourd’hui. Le poids de l’économie informelle prive le système d’une part importante de cotisations, et la multiplicité des régimes empêche une mutualisation efficace des ressources. Certains dispositifs passés, comme les départs précoces ou le calcul des pensions sur les dernières années de salaire, ont aussi fragilisé l’équilibre.

En 2024, le régime des pensions civiles (CMR-RPC) disposait de réserves de 57,4 milliards de dirhams, en recul de 7,1 % par rapport à 2023, avec un déficit technique cumulé de 60,3 milliards de dirhams depuis 2014 (Bank Al-Maghrib, ACAPS, AMMC).

Paradoxalement, les cotisations globales ont progressé, atteignant 66,8 milliards de dirhams, en hausse de 8,9 % en une année. Mais les projections restent alarmantes : le déficit cumulé des régimes pourrait dépasser 200 milliards de dirhams d’ici 25 ans, soit plus de 3 % du PIB, si aucune réforme structurelle n’est mise en œuvre (drh.ma).

Ces déséquilibres ne sont pas de simples abstractions comptables, ils ont des répercussions directes sur la vie quotidienne des retraités. Si les caisses venaient à manquer de ressources, certains pourraient voir leurs pensions diminuer en valeur réelle, accentuant la précarité de ceux qui disposent déjà de revenus modestes. Les femmes et les anciens travailleurs ruraux, souvent pénalisés par des carrières incomplètes ou informelles, seraient les plus exposés. Le manque de revenus fragilise également l’accès aux soins, alors même que les besoins de santé augmentent avec l’âge. Au-delà des chiffres, c’est donc la dignité des retraités et la cohésion sociale du pays qui sont en jeu.

Le Maroc n’est pas seul dans cette situation. D’autres pays confrontés aux mêmes défis ont expérimenté des solutions diverses. La Suède ajuste automatiquement les pensions à l’espérance de vie et aux cotisations, évitant ainsi les déficits chroniques. Les Pays-Bas combinent une pension de base universelle avec de puissants fonds collectifs, gérés sur le long terme. Le Canada, lui, articule un régime public avec des régimes privés obligatoires, diversifiant les sources de financement. Ces exemples montrent qu’il est possible d’assurer une certaine stabilité, à condition d’accepter des réformes profondes et de concevoir la retraite comme un pacte social entre générations.

La réforme des retraites qui se prépare au Maroc n’est donc pas un simple ajustement technique. Elle engage une vision de société. Pour les retraités actuels, elle déterminera s’ils pourront vivre dignement. Pour les jeunes actifs, elle posera la question de savoir si leurs cotisations garantiront un jour leur propre pension. Sous l’angle du développement durable, ce dossier illustre pleinement le pilier social et sociétal : il s’agit de protéger les aînés, de réduire les inégalités et de garantir une solidarité réelle entre générations, tout en assurant la soutenabilité pour l’avenir. Entre équilibre comptable et justice sociale, le Maroc est face à une équation qui engage non seulement ses finances, mais aussi la confiance collective et la stabilité de demain.

Rédigé par : WB

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