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Social & SociétalDiaspora
September 2nd 2025, 6:18:58 am

Et si Marhaba devenait aussi un moment de durabilité partagée ?

Et si Marhaba devenait aussi un moment de durabilité partagée ?

Chaque été, un vaste mouvement de retour anime les ports et les aéroports du royaume. Des millions de Marocains du monde franchissent les frontières pour retrouver leur pays, leurs proches, leurs racines. Depuis 2001, l’opération Marhaba, coordonnée par la Fondation Mohammed V pour la Solidarité, organise leur accueil à travers un dispositif national d’assistance sociale, médicale et administrative. Plus qu’une opération logistique, Marhaba est devenue un symbole de continuité et d’attachement entre le Maroc et sa diaspora.

D’après la Fondation Mohammed V pour la Solidarité, plus de 2,78 millions de Marocains du monde avaient franchi les points d’entrée du territoire national au 4 août 2025. Ce retour massif témoigne de l’attachement profond de la diaspora à sa terre natale. Dans les maisons familiales, les cafés de quartier, les souks animés ou sur les routes du royaume, la présence des Marocains du monde se ressent partout.

Si cette dynamique reste porteuse de retombées positives, elle s'accompagne aussi de pressions sur les territoires. Chaque été, les ressources et infrastructures locales sont soumises à une forte sollicitation, en raison d’un afflux combiné de Marocains du monde, de touristes nationaux et de conditions climatiques de plus en plus extrêmes.

Selon l’Office national de l’électricité et de l’eau potable (ONEE), la consommation d’eau potable peut augmenter de 25 à 40 % dans plusieurs zones côtières durant la saison estivale, notamment à Tanger, Agadir ou Nador. Une hausse qui survient alors que le ministère de l’Équipement et de l’Eau signale des niveaux de remplissage des barrages tombés en dessous de 30 % dans plusieurs bassins hydrauliques, accentuant un stress hydrique déjà structurel.

La gestion des déchets constitue un autre point de tension. Dans les villes touristiques, les volumes collectés augmentent sensiblement durant l’été. Selon des rapports communaux relayés par les délégataires de gestion, la hausse est estimée entre 30 et 50 %, mettant à rude épreuve les capacités locales de collecte et de traitement.

La circulation routière subit elle aussi les effets de cette affluence saisonnière. Selon la Direction générale de la Sûreté nationale (DGSN), 2 136 accidents ont été recensés entre le 28 juillet et le 3 août 2025, causant 38 morts et 2 848 blessés, dont 115 graves. L’intensification des déplacements familiaux, touristiques ou commerciaux contribue à saturer les axes urbains et périurbains.

Enfin, dans plusieurs centres de santé, notamment en zones rurales, les services d’urgence sont temporairement sous tension. Des rapports de la Cour des comptes soulignent régulièrement le manque d’équipements, de personnel et d’anticipation dans certaines régions très fréquentées en été.

Ces constats ne remettent pas en cause l’accueil réservé aux Marocains du monde. Ils mettent plutôt en lumière un enjeu de planification : anticiper, adapter, coordonner pour que les territoires puissent répondre durablement à ces pics estivaux, devenus une réalité structurelle.

Marhaba et durabilité : vers une stratégie nationale intégrée

L’État marocain mobilise, chaque été, des moyens humains et logistiques considérables pour garantir un accueil digne aux Marocains du monde, et cela fonctionne. Pilotée par la Fondation Mohammed V pour la Solidarité, en partenariat avec la DGSN, les autorités portuaires, les douanes, les services sociaux et médicaux, l’opération Marhaba est un modèle d’efficacité et de mobilisation humanitaire.

Mais sur le plan environnemental, l’intégration des principes de durabilité reste encore marginale. Elle repose essentiellement sur des initiatives dispersées, parfois innovantes au niveau local, mais non coordonnées dans une vision nationale. La consommation d’eau, la gestion des déchets, la mobilité ou encore les nuisances sonores restent largement en dehors des dispositifs institutionnels liés à Marhaba.

Au-delà des enjeux environnementaux, l’accueil massif des Marocains du monde soulève également des questions sociales. Dans certaines régions, la concentration estivale crée une pression sur les services de base : santé, transport, sécurité, logement temporaire. Ces déséquilibres territoriaux révèlent un besoin d'équité d'accès aux services, entre résidents permanents et populations saisonnières, et soulignent l'importance d’une gouvernance locale plus inclusive, préventive et anticipatrice.

D’un point de vue économique, le retour des Marocains du monde représente une formidable opportunité d’investissement local. Encore faut-il que ces flux soient orientés vers des projets créateurs de valeur durable : circuits courts, énergies renouvelables, tourisme rural, agriculture responsable… Il serait possible d’imaginer des incitations fiscales ou techniques, portées par les collectivités ou les centres régionaux d’investissement (CRI), pour accompagner cette dynamique dans un cadre éthique et aligné avec les priorités territoriales.

Pour structurer cette ambition, plusieurs leviers institutionnels pourraient être activés. Le ministère de l’Intérieur, via la Direction Générale des Collectivités Territoriales (DGCT), pourrait intégrer les flux MDM dans les Plans d’Action Communaux (PAC), afin de prévoir les services supplémentaires à déployer en été. La Fondation Mohammed V pour la Solidarité pourrait lancer un label « Commune Accueil Durable », encourageant les territoires à améliorer leurs infrastructures estivales sur des bases écologiques et sociales.

Les campagnes nationales, elles aussi, pourraient évoluer pour inclure un message environnemental et citoyen à destination des Marocains du monde : sensibilisation à l’économie d’eau, à la gestion des déchets, à la mobilité partagée ou à l’achat local. Enfin, le ministère chargé des MDM pourrait orienter une partie de ses dispositifs vers l’investissement à impact durable, en créant par exemple des guichets verts dans les CRI, ou en lançant des appels à projets dédiés à la diaspora engagée.

Un Marhaba durable ne serait ni une contrainte ni une charge. Ce serait une évolution naturelle, à la hauteur des attentes citoyennes et des transformations déjà en cours. Ce serait aussi un geste de reconnaissance envers les Marocains du monde : leur dire qu’ils sont les bienvenus, dans un pays qui anticipe, respecte ses ressources, et inclut chacun de ses citoyens dans son avenir.

Rédigé par : WB

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