La consommation de drogues au Maroc représente un enjeu complexe aux multiples facettes. Au-delà des aspects sécuritaires et sanitaires bien documentés, cette problématique soulève des questions cruciales en matière de Responsabilité Sociétale des Entreprises (RSE) et de développement durable. Entre impacts sur la santé publique, conséquences environnementales et répercussions socio-économiques, une approche globale s'impose pour appréhender ce phénomène dans toute son ampleur.
Le Maroc fait face à une consommation croissante de substances psychoactives, avec des profils d'usagers de plus en plus diversifiés. Selon les dernières données de l'Office des Nations Unies contre la Drogue et le Crime (ONUDC, 2023), environ 5,2% de la population adulte aurait consommé du cannabis au moins une fois dans l'année, tandis que les drogues synthétiques gagnent du terrain chez les jeunes urbains.
Face à ce constat, certaines entreprises marocaines intègrent désormais la question des addictions dans leurs politiques RSE. Des campagnes de sensibilisation sont menées au sein des milieux professionnels, et des partenariats se nouent avec des centres spécialisés pour soutenir la réinsertion des personnes dépendantes. L’objectif est autant préventif que curatif : créer des environnements de travail plus responsables et solidaires.
L'impact caché du trafic
L'empreinte écologique du narcotrafic au Maroc reste largement sous-estimée. Dans la région du Rif, principale zone de production de cannabis, les cultures illicites ont entraîné une déforestation massive (perte de 17 % du couvert forestier depuis 2000 selon l’Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO). L’utilisation massive de produits chimiques a appauvri les sols et contaminé les nappes phréatiques. En parallèle, l’essor des laboratoires clandestins de drogues synthétiques dans les zones périurbaines pose des défis environnementaux majeurs, avec le rejet incontrôlé de déchets toxiques.
RSE : quel rôle pour les entreprises ?
Dans ce contexte, les entreprises ont un rôle stratégique à jouer dans la lutte contre les drogues. En interne, cela passe par la mise en place de cellules d’écoute, la formation des responsables aux enjeux des addictions, et l’intégration de dispositifs de prévention dans les règlements internes. En externe, certaines entreprises soutiennent financièrement des associations spécialisées comme l’ALCS ou l’Association Safe, investissent dans des programmes de réinsertion professionnelle ou accompagnent le développement d’activités économiques alternatives dans les zones vulnérables.
La Confédération Générale des Entreprises du Maroc (CGEM) a d'ailleurs intégré cette problématique dans son dernier guide RSE, soulignant l'importance d'une approche préventive plutôt que répressive.
À l’échelle des politiques publiques, plusieurs leviers pourraient être mobilisés pour renforcer l’efficacité des actions menées. Sur le plan législatif, il serait pertinent d’intensifier la prévention dès le milieu scolaire, de développer des alternatives à l’incarcération pour les petits consommateurs, et d’encadrer rigoureusement l’usage thérapeutique du cannabis. Économiquement, le soutien aux coopératives agricoles légales, la promotion de l’économie sociale dans les zones fragiles et des incitations fiscales ciblées pour les entreprises impliquées dans la prévention pourraient contribuer à une réponse plus durable. Enfin, une meilleure coordination entre ministères, une implication renforcée des collectivités territoriales et la mise en place d’un système d’évaluation des politiques publiques seraient essentielles pour structurer l’action de manière cohérente.
Ainsi, la question des drogues au Maroc ne peut se réduire à un simple problème d’ordre public. Elle concerne l’ensemble de la société et requiert des réponses globales, intégrant les pratiques de la RSE et du développement durable comme leviers d’action. Les entreprises, en synergie avec les pouvoirs publics et la société civile, sont appelées à devenir des acteurs de solutions innovantes, combinant prévention, réduction des risques et développement territorial équilibré.
Rédigé par : Tandyna Baoumou
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