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Économie DurableTransition énergétique
September 2nd 2025, 6:19:18 am

Transition énergétique : l’autoroute électrique Sud–Centre à l’épreuve du développement durable

Transition énergétique : l’autoroute électrique Sud–Centre à l’épreuve du développement durable

L’Office National de l’Électricité et de l’Eau Potable (ONEE) a attribué à Novec, filiale d’ingénierie de la CDG, la réalisation des études d’impact environnemental et social de l’« autoroute électrique Sud–Centre ». Cette ligne très haute tension de 1 400 km doit transporter l’électricité verte des provinces du Sud vers Casablanca et Marrakech. Si le projet incarne un pas décisif vers la transition énergétique, il soulève aussi d’importants défis environnementaux et sociaux.

L’autoroute électrique Sud–Centre est conçue pour acheminer jusqu’à 3 000 MW d’électricité renouvelable, en deux tranches (1 500 MW en 2026 puis 1 500 MW en 2028). Longue de 1 400 km, elle reliera Oued Lekraâ, près de Dakhla, aux grands centres de consommation via Tan-Tan et Marrakech. Selon les communiqués de l’ONEE, l’objectif est de désengorger le réseau actuel, déjà saturé, et de sécuriser l’intégration des projets solaires et éoliens du Sahara. Mais au-delà de ses atouts, ce projet soulève des questions de durabilité.

Enjeux environnementaux

Pollution visuelle et sonore : les lignes à très haute tension modifient profondément le paysage. Dans des zones touristiques comme le Souss-Massa, leur impact visuel pourrait être contesté. Le bruit généré par les lignes en courant continu, bien que limité, peut aussi affecter les habitants proches. Exemple : en Espagne, des contestations locales ont ralenti plusieurs projets de lignes HVDC reliant parcs éoliens et villes, au nom de la préservation du paysage.

Risques liés aux champs électromagnétiques: même si les normes internationales fixées par l’OMS sont respectées, la perception de risques sanitaires persiste. L’inquiétude autour des champs électromagnétiques est un facteur de méfiance sociale. Exemple : en France, le projet de ligne THT Cotentin-Maine a été retardé par des mobilisations locales craignant des effets sanitaires.

Biodiversité et habitats naturels: le tracé traverse des écosystèmes sensibles. Le risque de fragmentation d’habitats, d’impact sur les oiseaux migrateurs ou la faune désertique est réel. Exemple : au Kenya, la ligne de transport électrique « Lake Turkana » a été critiquée pour ses effets sur les couloirs de migration des oiseaux.

Enjeux sociaux

Acceptabilité locale: un projet de cette ampleur ne peut réussir sans adhésion des populations. Si les habitants perçoivent que l’électricité profite uniquement aux grandes villes, un sentiment d’injustice énergétique peut émerger. Exemple : en Éthiopie, le barrage de la Renaissance a été contesté par les communautés locales qui ne bénéficiaient pas de l’électricité produite.

Déplacement et contraintes foncières : le passage de la ligne peut entraîner des expropriations ou limiter l’usage agricole et pastoral des terres. Les indemnisations insuffisantes risquent de générer des conflits. Exemple : en Inde, plusieurs projets de lignes THT ont été bloqués par des paysans refusant la perte de leurs terres cultivables.

Inégalités territoriales: si les retombées économiques (emplois, infrastructures) se concentrent dans les pôles urbains, le projet risque de renforcer la marginalisation des régions traversées.

Division interne des tribus: dans le Sud, une partie des terres appartient à des communautés tribales. Le passage d’une ligne peut générer des tensions foncières et même diviser des tribus : certains acceptent des compensations, d’autres refusent. Exemple : au Niger, le projet de l’oléoduc Niger–Bénin a divisé des communautés locales, certaines familles estimant avoir été lésées.

Fracture tribale identitaire : au-delà de l’argent, il y a l’enjeu symbolique. Si la ligne coupe physiquement un territoire tribal, elle peut être perçue comme une rupture de l’unité sociale et culturelle. Exemple : au Canada, des communautés autochtones se sont opposées à des lignes électriques jugées destructrices de leur cohésion identitaire et spirituelle.

Un projet « DD »… sous conditions

Ce projet est présenté comme une mission de développement durable : décarboner l’économie, sécuriser l’approvisionnement et valoriser les énergies propres.

Mais il ne sera durable que si :

• Les impacts environnementaux sont compensés (corridors écologiques, reboisement) ;

• La concertation locale est réelle et pas seulement formelle ;

• Les bénéfices sont partagés équitablement avec les territoires traversés.

L’expérience internationale montre que l’acceptabilité sociale est déterminante.

• Au Brésil, le projet Belo Monte a échoué à cause de l’opposition des populations locales.

• En Afrique du Sud, l’intégration de comités communautaires a permis au contraire de débloquer des projets d’infrastructures.

Pour l’autoroute électrique Sud–Centre, la durabilité sociale dépendra de la capacité de l’ONEE et de Novec à écouter, dialoguer et intégrer les attentes des communautés.

L’autoroute électrique est peut être une colonne vertébrale de la transition énergétique marocaine. Mais elle ne doit pas devenir une fracture environnementale ou sociale.

La vraie réussite ne se mesurera pas seulement en mégawatts transportés, mais dans la capacité à construire une transition juste, qui respecte les écosystèmes, renforce la cohésion sociale et bénéficie à tous les territoires.

Rédigé par : WB

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