Le gazoduc Nigéria-Maroc, long de près de 7 000 km, est présenté comme l'un des plus ambitieux projets énergétiques du continent. Porté par le Maroc et le Nigéria, avec le soutien de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), il vise à alimenter en gaz naturel plusieurs pays ouest-africains, tout en ouvrant des perspectives d'exportation vers l'Europe.
Selon la Banque africaine de développement (BAD) 2023, ce gazoduc pourrait "stimuler la croissance économique et réduire la pauvreté énergétique" en Afrique de l'Ouest. Le projet s'inscrit dans l'initiative "Desert to Power", visant à électrifier la région tout en diversifiant les sources d'énergie.
Enjeux de RSE : Entre opportunités économiques et risques sociaux
Le chantier du gazoduc devrait générer des milliers d'emplois directs et indirects, notamment dans les pays traversés (Nigéria, Bénin, Togo, Ghana, Côte d’Ivoire, Libéria, Sierra Leone, Guinée, Guinée-Bissau, Gambie, Sénégal, Mauritanie et Maroc). Une étude de l'Organisation internationale du travail (OIT, 2022) souligne que les infrastructures énergétiques à grande échelle peuvent contribuer à la formation professionnelle et à la montée en compétences des travailleurs locaux.
Cependant, des ONG locales, comme Amnesty International, alertent sur les risques de déplacements forcés de populations et l’accaparement des terres, comme observé dans des projets similaires en Afrique (Amnesty, 2021). Une politique de RSE robuste sera nécessaire pour garantir des indemnisations justes et un dialogue inclusif avec les parties prenantes affectées. La gestion des revenus gaziers pose la question de la corruption et de la redistribution équitable. Selon Transparency International, les projets énergétiques en Afrique sont souvent minés par un manque de transparence dans l’attribution des contrats (TI, 2023). La CEDEAO devra veiller à une gouvernance rigoureuse pour éviter les détournements de fonds.
Développement Durable : Un Bilan Carbone en Débat
Si le gaz naturel est moins polluant que le charbon, il reste une énergie fossile contribuant aux émissions de CO₂. Le think tank E3G (2023) souligne que l'Afrique pourrait se retrouver dépendante d’infrastructures gazières peu compatibles avec les objectifs de l'Accord de Paris.
Cependant, l'Agence internationale de l'énergie (AIE, 2022) estime que le gaz peut servir de "transition" pour les pays africains, à condition qu'il soit couplé à des investissements massifs dans les énergies renouvelables. Le tracé du gazoduc traversera des zones sensibles, comme le delta du Niger et des forêts côtières. Le Programme des Nations unies pour l'environnement (PNUE, 2021) recommande des études d'impact approfondies pour éviter des désastres écologiques, à l'image de la pollution liée à l'exploitation pétrolière dans le delta du Niger.
Coopération Régionale et Souveraineté Énergétique
Ce projet renforce la coopération entre pays africains, réduisant leur dépendance aux importations énergétiques. La Banque mondiale (2023) y voit une avancée vers un marché régional intégré, similaire au modèle européen. Toutefois, des tensions pourraient émerger autour de la répartition des bénéfices. Le Brookings Institution 2023) note que les déséquilibres économiques entre pays producteurs (Nigéria) et consommateurs (Gambie, Sénégal) pourraient créer des frictions politiques.
Le gazoduc Nigéria-Maroc représente une opportunité majeure pour l’Afrique, mais son succès dépendra de sa capacité à concilier performance économique, inclusion sociale et durabilité environnementale. La CEDEAO, les gouvernements et les entreprises privées sont appelés à coopérer, main dans la main, pour en faire un modèle de projet responsable.
Rédigé par : Tandyna Baoumou
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