Depuis le 22 août 2025, la loi n°43.22 relative aux peines alternatives est entrée en vigueur au Maroc. Désormais, pour les délits passibles de peines allant jusqu’à cinq ans de prison, hors récidive ou infractions graves, les juges peuvent remplacer l’incarcération par du travail d’intérêt général (TIG), une amende journalière ou une surveillance électronique. Dès les premiers jours, les tribunaux d’Agadir et de Casablanca ont rendu des jugements dans ce sens. A Agadir, un prévenu poursuivi pour commerce illégal d’alcool a vu sa peine convertie en amende journalière plafonnée à 18 000 dirhams. A Casablanca, un autre condamné pour dégradation d’un bien public, a écopé de deux mois de TIG au lieu de huit mois de prison. Ces décisions illustrent la volonté de mettre en œuvre rapidement la réforme, selon Le Matin et Médias24.
D’après la Délégation générale à l’administration pénitentiaire (DGAPR), le Maroc compte environ 100 000 détenus, un chiffre supérieur aux capacités des établissements existants. Les peines alternatives visent à réduire cette surpopulation carcérale, à limiter les coûts d’incarcération et à offrir aux condamnés une chance de rester insérés dans la société. Selon la Présidence du ministère public, un guide pratique a déjà été diffusé aux magistrats pour encadrer l’application de ces mesures et éviter les disparités de traitement.
Le Maroc rejoint ainsi un mouvement observé dans plusieurs pays. En France, près de 40 % des peines fermes sont aujourd’hui aménagées en alternatives, selon la Cour des comptes. Au Portugal, plus de 2 400 condamnés ont bénéficié de la surveillance électronique entre janvier et octobre 2024, d’après le ministère de la Justice et en Italie, environ 94 000 personnes exécutent une peine sous forme de probation ou de mesure alternative, selon les données officielles. Ces expériences montrent que, bien encadrées, les peines non carcérales peuvent limiter la récidive et coûter beaucoup moins cher que la prison.
Les bénéfices ne sont pas seulement sociaux et économiques. D’après plusieurs experts européens cités par le Conseil de l’Europe, l’incarcération est une activité fortement consommatrice d’eau, d’énergie et de béton. En réduisant le recours à la détention, les alternatives limitent indirectement l’empreinte écologique du système judiciaire. Le travail d’intérêt général, lorsqu’il est orienté vers la réhabilitation d’espaces publics ou la gestion de déchets, peut même avoir un impact environnemental positif.
Toutefois, l’expérience étrangère rappelle certaines limites. Au Royaume-Uni, où plus de 20 000 personnes portaient un bracelet électronique -fin juin 2024 selon le ministère de la Justice-, des critiques persistent sur le manque d’agents de probation pour assurer un suivi efficace. En France, la Cour des comptes a souligné en 2023 que les services d’exécution des peines étaient sous-dotés, entraînant des retards et parfois des échecs d’application. De plus, selon les recommandations de l’ONU (UNODC), l’amende journalière doit impérativement être proportionnelle aux revenus, sous peine de créer une inégalité entre riches et pauvres.
Au Maroc, la réforme est saluée comme une avancée en matière de droits humains et de justice sociale, tout en participant indirectement à une logique de développement durable. Selon les autorités judiciaires, l’objectif est de privilégier la réinsertion à la punition aveugle, de réduire les coûts pour l’État et de renforcer l’efficacité des sanctions. Mais d’après plusieurs magistrats interrogés par la presse nationale, la réussite dépendra de la mise en place de moyens suffisants : encadrants, structures d’accueil pour les TIG, dispositifs électroniques fiables et suivi statistique régulier.
Le Maroc a franchi une étape importante en adoptant les peines alternatives, dans la lignée des pratiques internationales. Cette réforme répond à un triple impératif de durabilité :
• Social(réinsertion, équité) ;
• Economique (réduction des coûts de la prison) ;
• Environnemental (moins de consommation de ressources).
Reste à vérifier, dans les mois à venir, si les ambitions affichées se traduiront en résultats concrets.
Rédigé par : WB
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