Selon des informations publiées par Le Matin le 18 août 2025, l’Agence nationale de la conservation foncière, du cadastre et de la cartographie (ANCFCC) s’apprête à lancer une nouvelle stratégie à l’horizon 2030, visant à consolider les acquis en matière de digitalisation et de sécurisation foncière. Si les détails restent encore peu connus et que le quotidien ne précise pas encore les secteurs concernés, cette annonce ouvre un débat essentiel : comment transformer un outil administratif en un levier de justice sociale, de transparence et de résilience climatique ?
La terre est au cœur des équilibres sociaux, économiques et écologiques. Au Maroc, l’insécurité foncière nourrit les litiges, freine l’investissement et accentue les inégalités. Sans un cadre clair et transparent, difficile de parler d’agriculture durable, de gestion urbaine équilibrée ou encore de préservation des écosystèmes forestiers.
La transformation numérique du cadastre peut devenir bien plus qu’une réforme technique. Elle est un levier de gouvernance durable, elle permettra l’accès public et équitable aux données foncières, la réduction des risques de corruption et de détournement de terres, le renforcement de la confiance entre citoyens, agriculteurs, investisseurs et institutions.
La digitalisation du cadastre pourrait aussi répondre à un fléau bien connu au Maroc, ce dernier a connu plusieurs scandales de spoliation immobilière. En renforçant la traçabilité des titres fonciers et en rendant les informations plus accessibles, elle limite les falsifications et les transferts frauduleux. Dans certains pays, des systèmes d’alerte en temps réel informent directement les propriétaires lorsqu’une opération est initiée sur leur bien, un modèle qui pourrait inspirer le Maroc. Mais la technologie seule ne suffit pas. Pour être efficace, cette réforme devra aller de pair avec des lois protectrices, un contrôle judiciaire rigoureux et un véritable accompagnement des citoyens. C’est à cette condition que la digitalisation pourra restaurer la confiance et contribuer à une gouvernance foncière réellement durable.
Selon la Banque mondiale et la FAO, la sécurisation foncière est un facteur déterminant pour sortir les petits exploitants de la pauvreté et favoriser l’investissement productif. En leur garantissant des titres clairs, la digitalisation pourrait inclure les agriculteurs familiaux dans les programmes de soutien et de crédit, et donner aux communautés rurales la capacité d’investir dans des pratiques durables.
Mais les enjeux dépassent le monde agricole. Dans les villes, un cadastre modernisé faciliterait la planification urbaine, limiterait l’habitat informel et renforcerait la transparence du marché foncier. Cela contribuerait à bâtir des villes plus inclusives, en ligne avec l’ODD 11 sur les cités durables.
Sur le plan environnemental, une cartographie précise permettrait de mieux identifier les zones à risque d’incendies, de préserver les forêts, de suivre l’évolution des espaces naturels et de planifier des programmes de reboisement ou de compensation carbone. Autant d’outils pour renforcer la résilience face au changement climatique.
Reste une interrogation : au bénéfice de qui ? Si la réforme sert surtout à fluidifier l’investissement foncier des grands acteurs, le risque est de renforcer les inégalités. Pour être durable, elle doit être inclusive, associer agriculteurs, coopératives, associations rurales, chercheurs et citoyens dans son élaboration. La transparence devra s’accompagner de pédagogie pour que tous s’approprient réellement l’outil.
La digitalisation du cadastre pourrait ainsi devenir une révolution silencieuse pour le Maroc, un instrument de justice sociale, de gouvernance transparente et de résilience écologique. Encore faut-il que cette stratégie ne reste pas cantonnée à une réforme technocratique, mais qu’elle s’affirme comme un véritable projet de société durable.
Rédigé par : WB
Suivez-nous
© 2025 Futudurable