L’Organisation arabe pour l’éducation, la culture et les sciences (ALECSO) a inscrit la médina de Fès dans la première liste de son registre du patrimoine architectural et urbain. Cette reconnaissance régionale consacre l’importance historique de ce site emblématique, tout en ouvrant la voie à une réflexion sur les enjeux contemporains de préservation, d’écologie urbaine et de développement durable.
Préserver la mémoire vivante : un enjeu social de première importance
La médina de Fès, l’une des plus anciennes et vastes cités historiques du monde arabe, est bien plus qu’un site patrimonial, c’est un espace habité, actif, où la vie sociale, religieuse et économique continue de battre son plein. Contrairement à des centres historiques transformés en musées à ciel ouvert, la médina est encore profondément enracinée dans le quotidien de ses habitants. Sa conservation ne vise donc pas seulement la protection de l’architecture, mais aussi celle du tissu humain et des pratiques culturelles qui s’y perpétuent. Préserver la médina, c’est préserver une mémoire collective vivante, un réservoir de traditions, de savoir-faire artisanaux et de pratiques sociales enracinées dans l’histoire.
Réhabiliter sans dénaturer, le défi écologique
Sur le plan environnemental, la médina de Fès offre un modèle d’urbanisme durable inspiré par des siècles d’adaptation au climat local. L’architecture traditionnelle y est bioclimatique par nature : murs épais en pisé, ruelles étroites protégeant du soleil, patios intérieurs favorisant la ventilation naturelle. Ces éléments réduisent la dépendance à l’énergie moderne. La réhabilitation de la médina représente une alternative écologique crédible face à la démolition-reconstruction souvent pratiquée dans les centres urbains modernes. Restaurer, plutôt que reconstruire, permet de préserver l’empreinte carbone existante tout en prolongeant la vie des matériaux locaux (chaux, bois, terre) déjà durables par essence.
Un moteur pour un développement économique inclusif
L’inscription au registre de l’ALECSO renforce l’attractivité de la médina sur les plans culturel et économique. Elle valorise un patrimoine qui peut devenir un véritable levier pour un développement local inclusif. Le tourisme culturel, s’il est bien encadré, peut générer des revenus durables pour les habitants tout en soutenant les métiers traditionnels. L’artisanat, les petits commerces et les chantiers de restauration offrent de nombreuses opportunités d’emploi local. Intégrés dans des circuits courts et des dynamiques d’économie circulaire, ces secteurs peuvent soutenir une économie résiliente, ancrée dans les ressources locales et capable de résister aux aléas extérieurs.
Gouvernance et droit à la ville : pour une médina habitée et partagée
La durabilité de la médina ne peut reposer uniquement sur des efforts techniques de restauration ou sur l’attraction touristique. Elle dépend aussi de la capacité des institutions à mettre en place une gouvernance partagée, qui inclut les habitants, les collectivités, les architectes, les associations et les experts du territoire. Les politiques de réhabilitation doivent respecter le droit à la ville des habitants et garantir l’accessibilité aux services, à l’habitat décent et à l’espace public. Il s’agit de préserver une ville vivante, ancrée dans son histoire, mais ouverte à l’innovation sociale et urbaine.
Une reconnaissance qui engage l’avenir
L’inscription de la médina de Fès au registre de l’ALECSO constitue une reconnaissance de son importance historique et culturelle dans le monde arabe. Mais elle doit surtout être un levier pour renforcer les politiques de préservation durable, à la croisée des enjeux sociaux, écologiques, économiques et politiques.
Fès a l’opportunité de devenir une référence dans la gestion durable des médinas, en plaçant ses habitants au centre des projets, en valorisant les ressources locales, et en inventant un modèle de développement où patrimoine et avenir ne s’opposent plus.
Rédigé par : WB
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