Le lundi 21 juillet 2025 marquera la Journée mondiale de la malbouffe, une occasion de sensibiliser aux impacts sanitaires, sociaux et environnementaux des régimes alimentaires déséquilibrés. Alors que l'obésité, le gaspillage alimentaire et les pratiques agro-industrielles controversées ne cessent de progresser à l’échelle mondiale, cette journée interroge la responsabilité des entreprises, des pouvoirs publics, des associations et des consommateurs. Le Maroc, à l’instar de nombreux autres pays, a connu ces dernières années une transformation rapide de ses habitudes alimentaires. La malbouffe s’est peu à peu imposée dans les foyers, les écoles et l’espace public. Entre obésité infantile en hausse, explosion des cas de diabète, effacement progressif des traditions culinaires et publicité agressive ciblant les plus jeunes, le pays fait face à une urgence que les autorités et la société civile peinent encore à contenir.
Les marocaines mangent de plus en plus mal et les chiffres le confirment
Les données récentes sont sans appel. Selon le Global Nutrition Report (2022), plus de 35 % des femmes marocaines et 22 % des hommes adultes sont en situation d’obésité. Par ailleurs, environ 2,9 millions de Marocains souffrent de diabète soit près de 12 % de la population adulte. En parallèle 29 % des enfants marocains présenteraient un surpoids, surtout au milieu urbain(OMS Maroc 2022).
Les repas faits maison se font de plus en plus rares, remplacés par des plats préparés, des snacks salés, des boissons sucrées et des repas pris dans les fast-foods. Ce glissement alimentaire fragilise un modèle culturel et nutritionnel longtemps équilibré, au point de devenir un enjeu majeur de santé publique.
Et si la mondialisation, le manque de temps et la pression du marketing alimentaire étaient les véritables moteurs de ce changement ?
Jusqu’aux années 1990, les Marocains cuisinaient encore majoritairement chez eux, à base de produits frais et locaux. Mais avec l’urbanisation, la mondialisation des goûts et l’augmentation du travail salarié chez les deux partenaires, la préparation des repas a perdu de son importance dans de nombreux foyers. Cette évolution s’accompagne d’une exposition croissante des enfants aux publicités agressives, valorisant des produits riches en sucres, sel et gras. La banalisation du snacking et de la consommation rapide a profondément modifié les comportements alimentaires, en particulier chez les jeunes urbains.
La malbouffe engendre une crise multidimensionnelle : sanitaire, culturelle, économique et environnementale
L’impact de la malbouffe se mesure déjà sur le terrain : hausse des cas d’obésité infantile, diabète de type 2 chez les jeunes, maladies cardiovasculaires précoces. Mais les conséquences ne sont pas qu’individuelles. Les familles modestes doublement pénalisée, elles consomment souvent ces produits bon marché, puis doivent en assumer le coût sanitaire à long terme.
Sur le plan culturel, les traditions culinaires marocaines, riches et équilibrées, se perdent progressivement, notamment chez les nouvelles générations. Quant au système de santé, il est déjà sous pression face à ces maladies chroniques, souvent évitables par une prévention alimentaire efficace.
Au-delà de la santé humaine, la malbouffe pèse lourdement sur l’environnement. Les produits transformés sont souvent issus de l’agriculture industrielle intensive, générant pollution des sols et des nappes phréatiques, usage massif de pesticides, déforestation et émissions de gaz à effet de serre. D’après un rapport de la FAO (2024), l’élevage intensif contribue à 14,5 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre.
S’ajoutent à cela une logistique énergivore (transport, stockage, chaîne du froid) et une consommation massive d’emballages plastiques à usage unique, omniprésents dans les fast-foods et snacks aggravent la pollution. En effet, chaque année, 8 millions de tonnes de déchets plastiques liés à l’alimentation finissent dans les océans (Programme des Nations Unies pour l’Environnement, 2023) Enfin, le gaspillage alimentaire, répandu dans ce système alimentaire, multiplie les pertes énergétiques et les déchets.
Des institutions en alerte, mais une action encore timide
L’Office National de Sécurité Sanitaire des Produits Alimentaires (ONSSA), sous tutelle du ministère de l’Agriculture, joue un rôle clé dans la surveillance sanitaire des produits alimentaires. Chaque année, des tonnes de produits non conformes sont saisies, notamment durant les périodes à risque comme Ramadan. Mais l’ONSSA intervient essentiellement sur la sécurité sanitaire, sans pouvoir réel sur les aspects nutritionnels.
La Fédération nationale des associations du consommateur (FNAC) et d’autres organisations de la société civile multiplient les alertes. Elles dénoncent les publicités trompeuses, la présence des produits riches en additifs vendus dans les écoles et le manque de transparence sur les étiquetages. Leur plaidoyer appelle à une régulation plus stricte des industries agroalimentaires, notamment en ce qui concerne les produits destinés aux enfants.
Quant aux pouvoirs publics, malgré le lancement du Plan national nutrition santé, les actions restent insuffisantes : pas de taxe sur les produits sucrés, peu d’encadrement publicitaire, et une éducation nutritionnelle quasi absente dans les écoles.
Repenser notre modèle alimentaire : des solutions inspirées d’ailleurs
Le Maroc n’est pas seul dans cette lutte. Plusieurs pays ont mis en place des politiques audacieuses. En France par exemple, le Nutri-Score, étendu aux publicités alimentaires depuis 2023, guide les consommateurs vers des choix plus sains (Santé Publique France, 2025). Des taxes ont été imposées sur les sodas au Mexique ; au Chili les publicités pour la malbouffe destinées aux enfants ont été interdites. Ces initiatives montrent qu’un changement est possible.
Mais la transformation ne peut être uniquement législative. Elle doit aussi être culturelle. Encourager les repas faits maison, valoriser la cuisine traditionnelle, reconnecter les familles aux produits locaux, développer des potagers scolaires, et intégrer l’alimentation dans les programmes éducatifs, autant d’outils pour reconstruire un lien sain, durable et souverain à la nourriture.
La malbouffe est bien plus qu’un désordre alimentaire, c’est un problème de société, qui touche à la santé publique, à la culture, à l’économie et à l’environnement.
La journée mondiale de la malbouffe 2025 rappelle qu’il est temps pour le Maroc de passer d’une prise de conscience à une véritable stratégie nationale, collective et durable, conciliant santé, équité sociale et préservation de l’environnement. Si les engagements RSE des géants agroalimentaires progressent, leur mise en œuvre reste lente. Les consommateurs, par leurs choix, et les gouvernements, via des réglementations plus strictes ont un rôle clé à jouer dans cette transition. Comme le souligne le "World Economic Forum" (2025), repenser notre système alimentaire est indispensable pour atteindre les objectifs de développement durable (ODD) des Nations Unies.
Rédigé par : Tandyna Baoumou & WB
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