Septembre revient et avec lui un spectacle bien rodé. Les enfants reprennent le chemin de l’école, Les cartables tout juste sortis de l’emballage sentent le plastique neuf, les parents, vaguement reposés, s’élancent dans leur premier marathon de l’année. À Casablanca, la rentrée scolaire ne commence pas dans les classes mais sur les routes transformées en un immense circuit automobile où chaque conducteur croit jouer sa place sur le podium. Après un mois d’août presque apaisé, la ville replonge dans sa frénésie, moteurs qui grondent, klaxons en stéréo, insultes en cascade et pollution gratuite.
Devant les écoles, la scène est toujours la même, les voitures s’alignent en longues queues, souvent en doubles files et parfois même en triples. Chacune transportant un enfant unique, comme si partager la banquette arrière menaçait l’ordre public. Le covoiturage ? Une pratique encore exotique ici, à ranger aux côtés des slogans et brochures de développement durable. Alors les moteurs tournent, les parents s’énervent et les enfants découvrent leur première leçon de l’année : l’art d’insulter le conducteur d’à côté de crétin, de nul ou de petit con d’une manière très décomplexée.
Le parfum de la rentrée, censé être celui des cartables et des fournitures neufs, se confond avec l’odeur âcre des gaz d’échappement. Diesel, essence, motos pétaradantes : tout concourt à asphyxier les trottoirs, tandis que les klaxons forment une étrange symphonie, sans chef d’orchestre mais avec beaucoup de solistes. Quant aux enfants piétons, car il en reste, ils se faufilent entre les voitures, parfois dans l’obscurité, car avec l’heure d’été qui dure toute l’année, les matins d’hiver plongent les écoliers dans la nuit noire. On devine à peine leurs silhouettes au milieu de ce chaos métallique. Traverser la rue devient alors un sport extrême pour ces enfants.
On dit que l’école forme les citoyens de demain. Mais à Casablanca, la véritable leçon se donne, ironiquement, devant les grilles de l’école : celui qui conduit le plus gros 4x4 a toujours raison, la violence verbale est une langue vivante, et la patience une vertu réservée aux piétons coincés sur le trottoir. Voilà le vrai programme éducatif, servi gratuitement dès huit heures du matin.
Pourtant, des alternatives existent. Les bus scolaires, déjà présents, mériteraient d’être multipliés, modernisés et rendus plus respectueux de l’environnement, avec des tarifs plus abordables pour les familles. Mais il n’y a pas que ça. Les parents pourraient aussi partager les trajets en organisant du covoiturage entre enfants du même quartier, ce qui allégerait les routes et renforcerait la solidarité locale. On pourrait s’inspirer d’expériences européennes où certaines rues deviennent piétonnes aux heures d’entrée et de sortie des écoles. Et surtout, il faudrait réapprendre la patience, car chaque insulte criée devant nos enfants les prépare à devenir des adultes vulgaires, violents et agressifs. Bref, les solutions existent, mais elles demandent une volonté collective de revoir nos habitudes, nos valeurs.
La rentrée scolaire devrait être une fête de l’apprentissage et du savoir. À Casablanca, comme certainement dans les autres grandes villes marocaines, elle reste, pour l’instant, un vacarme de klaxons, d’injures et de pollution, qui résonne chaque matin devant les écoles et se propage sur toutes les routes de la ville.
Rédigé par : WB
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