Logo
linklinklinklinklink
Tribunes & OpinionsDéveloppement durable
September 2nd 2025, 6:18:58 am

Mohammed VI et le défi du développement durable : 26 ans d’avancées et de blocages

Mohammed VI et le défi du développement durable : 26 ans d’avancées et de blocages
shutterstock_1964304640

À l’occasion du 26e anniversaire de l’intronisation de Mohammed VI, cette tribune propose une lecture journalistique des avancées et des défis du Maroc en matière de développement durable, au croisement des enjeux sociaux, environnementaux et institutionnels.

Vingt-six ans après son accession au trône, Mohammed VI a inscrit le développement durable dans l’agenda stratégique du Royaume. De la transition énergétique aux infrastructures durables, en passant par l’inclusion sociale, la responsabilité sociétale des entreprises ou encore l’émergence de villes intelligentes, le Maroc a amorcé des transformations notables. Ces avancées se traduisent par des projets concrets, des réformes juridiques et des engagements alignés sur les Objectifs de Développement Durable (ODD) des Nations Unies. Mais au-delà de ces réalisations visibles, des décalages persistent. Entre les grandes métropoles connectées et les territoires ruraux en attente, entre les textes de loi et leur mise en œuvre effective, entre l’ambition institutionnelle et les besoins concrets des citoyens. Retour, avec nuance et lucidité, sur un parcours durable en construction. Encore faut-il un socle juridique solide pour porter cette ambition. C’est précisément l’un des plus importants chantiers entrepris durant le règne de Mohammed VI.

Un arsenal juridique renforcé

Des institutions clés ont vu le jour ou ont été renforcées comme le Ministère de la Transition énergétique, le Conseil de la Concurrence pour réguler l’équité économique, et surtout le Conseil économique, social et environnemental (CESE), acteur consultatif central.

Sous le règne de Mohammed VI, le Maroc a progressivement consolidé un cadre juridique dédié au développement durable. L’adoption en 2014 de la loi-cadre 99.12 portant Charte nationale de l’environnement et du développement durable a marqué un tournant, affirmant la volonté d’intégrer les enjeux écologiques dans toutes les politiques publiques. Ce texte de référence s’inscrit aux côtés d’autres lois majeures, comme la loi 11.03 sur la protection de l’environnement ou la loi 12.03 relative aux études d’impact environnemental.

Plusieurs institutions ont également été créées ou renforcées pour accompagner cette dynamique, à commencer par le ministère de la Transition énergétique, le Conseil de la Concurrence, et le Conseil économique, social et environnemental (CESE), devenu l’un des piliers de la gouvernance durable au Maroc.

Pourtant, ce dispositif législatif et institutionnel peine encore à produire ses pleins effets. L’absence de mécanismes coercitifs, la faible implication des citoyens dans les décisions publiques, et les moyens limités des collectivités locales freinent souvent la traduction concrète des ambitions affichées.

Énergies renouvelables et transition verte : un leadership africain Le Maroc s’est imposé comme un acteur de référence sur la scène africaine en matière d’énergies renouvelables. Le complexe solaire Noor, les parcs éoliens présents dans tout le Maroc, et l’objectif affirmé de porter à 52 % la part d’électricité verte d’ici 2030, traduisent une vision énergétique affirmée, construite sur la durée, et portée par une volonté politique assumée.

Au-delà de la production énergétique, cette transition verte s’étend à d’autres secteurs. L’hydrogène vert, encore en phase exploratoire, suscite déjà l’intérêt des investisseurs internationaux. Les stations de dessalement, comme celles d’Agadir ou de Dakhla, sont désormais alimentées par des énergies renouvelables, solaire ou éolien, plutôt que par des sources fossiles. Une orientation qui illustre une gestion plus durable de la ressource hydrique dans un pays confronté à une raréfaction inquiétante de l’eau.

Côté transport, des avancées sont notables, le TGV Al Boraq, les tramways de Casablanca et Rabat, ainsi que les efforts de modernisation des flottes urbaines témoignent d’un virage vers une mobilité plus propre et intégrée. Ces projets, combinés à la réflexion autour des véhicules électriques et la logistique bas carbone, traduisent un changement de paradigme, au Maroc, l’écologie n’est plus perçue comme une contrainte, mais comme un véritable levier de croissance.

Inclusion sociale, résilience et équité : vers un développement plus juste

Au Maroc, le développement durable ne se joue pas uniquement dans les chantiers environnementaux ou énergétiques. Il s’enracine aussi dans des efforts constants pour renforcer la cohésion sociale et réduire les vulnérabilités, conformément aux hautes orientations royales.

Lancée en 2005 sur instruction de Mohammed VI, l’Initiative Nationale pour le Développement Humain (INDH) a marqué une étape majeure dans la lutte contre la pauvreté et l’exclusion. À travers ses différentes phases, elle a permis de financer des milliers de projets communautaires, de revitaliser des territoires enclavés, et de soutenir des formes d’économie locale, notamment à travers les coopératives et l’entrepreneuriat social.

Dans le même esprit, la généralisation de la couverture médicale et sociale a été engagée afin d’élargir l’accès aux soins, à la retraite et à la protection sociale pour des millions de Marocains. Ces politiques traduisent une volonté forte de rendre le développement plus inclusif.

Mais pour que cette dynamique porte pleinement ses fruits, elle doit davantage impliquer les parties prenantes : citoyens, élus locaux, associations et acteurs économiques. Car un développement véritablement durable ne peut se faire sans participation collective ni échange avec les parties prenantes.

Malgré les progrès réalisés, les inégalités territoriales persistent de manière marquée, tout comme les obstacles à la mobilité sociale, en particulier pour les jeunes et les femmes vivant en zones rurales. Relever ces défis exigera non seulement des investissements, mais aussi une transformation plus profonde des modes de gouvernance et de concertation. La RSE, économie circulaire et rôle des entreprises : un levier encore en construction

Le développement durable passe aussi par une redéfinition du rôle des entreprises. Au Maroc, bien qu’il n’existe pas de loi dédiée spécifiquement à la responsabilité sociétale des entreprises (RSE), plusieurs textes encadrent indirectement les pratiques sociales, environnementales et de gouvernance : droit du travail, législation sur les sociétés ou encore obligations en matière de transparence.

Depuis 2007, la Confédération générale des entreprises du Maroc (CGEM) a mis en place un Label RSE, inspiré de la norme ISO 26000, qui évalue les entreprises sur des critères comme le respect des droits humains, l’éthique, ou l’engagement environnemental. En parallèle, la réglementation impose aux sociétés cotées en bourse la publication de rapports ESG depuis 2019.

Malgré ces cadres, la diffusion de la RSE demeure inégale. Si certaines grandes entreprises s’engagent activement, la majorité des petites et moyennes entreprises restent à la marge. Le manque d’incitations concrètes, l'absence de contrôle systématique, et une perception encore floue des bénéfices freinent l’adoption généralisée de ces pratiques.

L’économie circulaire, encore émergente, peine à s’imposer en dehors de quelques filières pilotes. Pour que le secteur privé joue pleinement son rôle dans la transition, une meilleure structuration de l’écosystème est nécessaire : accompagnement, formation, accès au financement vert et reconnaissance réglementaire renforcée.

Agroécologie, gestion de l’eau et ruralité : des leviers durables pour les territoires

Le développement durable au Maroc prend tout son sens lorsqu’il touche les territoires les plus vulnérables : le monde rural, les zones arides, les régions enclavées. Dans un contexte de stress hydrique croissant et de fragilité climatique, l’enjeu est clair adapter l’agriculture et préserver les ressources naturelles tout en assurant une inclusion sociale réelle.

Le pays amorce un virage vers une agroécologie climato-résiliente, plus sobre, plus locale, et mieux adaptée aux réalités du terrain. Des pratiques comme l’agriculture sans labour, la reforestation participative, ou encore le développement de coopératives féminines autour de filières comme l’arganier ou les plantes aromatiques, témoignent d’une volonté de conjuguer transition écologique et équité territoriale.

Sur le volet hydrique, le Maroc investit dans une diversification de ses ressources en eau : transferts interbassins, gestion optimisée des nappes, valorisation des eaux usées traitées… Autant de mesures complémentaires aux grands projets déjà engagés dans le dessalement, pour garantir une résilience durable des écosystèmes et des communautés agricoles.

Ces dynamiques, souvent éloignées des grands centres urbains et peu visibles dans le débat public, incarnent pourtant une facette essentielle du développement durable, celle qui répare, valorise et relie les territoires oubliés.

Quand les ambitions butent sur les réalités du terrain

Malgré les avancées structurelles réelles, le développement durable au Maroc reste confronté à plusieurs freins qui en limitent l’impact réel sur le terrain.

L’un des premiers obstacles réside dans la centralisation persistante de l’action publique. Si des stratégies ambitieuses sont définies au sommet de l’État, les régions et communes disposent encore de peu de marges de manœuvre pour les adapter à leurs réalités locales. Cette autonomie limitée freine l’appropriation des projets et en ralentit l’exécution. 

À cela s’ajoute une fracture sociale et territoriale persistante. Les grands pôles urbains concentrent l’essentiel des investissements et des infrastructures durables, tandis que les zones rurales et les périphéries urbaines peinent à bénéficier de services de base de qualité, que ce soit en matière d’eau, d’éducation ou de mobilité. Cette inégalité d’accès au progrès durable entretient un sentiment d’exclusion dans une partie croissante de la population.

La participation citoyenne, pourtant au cœur des principes du développement durable, reste trop souvent symbolique. Les mécanismes de concertation sont rarement appliqués de manière effective, et les citoyens, notamment les jeunes et les femmes, sont peu impliqués dans la conception et le suivi des politiques publiques.

Autre limite, le manque de dispositifs clairs et systématiques d’évaluation. Les projets dits durables sont rarement accompagnés d’indicateurs de résultats publiés ou d’analyses d’impact socio-environnemental accessibles. Sans données fiables et transparentes, il devient difficile de mesurer les réussites réelles et d’identifier les ajustements nécessaires.

Enfin, le développement durable peine encore à s’inscrire dans la culture populaire. L’école marocaine aborde peu ces thématiques, l’espace médiatique les survole, et les comportements quotidiens, consommation, transport, gestion des déchets, traduisent un manque de sensibilisation structurelle.  La durabilité ne pourra s’ancrer dans les comportements qu’en étant mieux intégrée dans l’éducation, relayée par les médias et portée par les initiatives citoyennes. 

Et maintenant ? Pour une transition plus juste et enracinée

Pour que le développement durable au Maroc ne reste pas l’apanage des institutions centrales ou des grands pôles urbains, plusieurs leviers peuvent être activés. La première urgence réside dans une véritable décentralisation de l’action publique. Accorder plus de pouvoirs, de moyens et de marge de manœuvre et de liberté aux collectivités territoriales permettrait une mise en œuvre plus fine, mieux adaptée aux réalités locales.

La formation des jeunes aux métiers de la transition écologique, en particulier dans les régions périphériques ou rurales, constitue un autre pilier essentiel. Sans une génération outillée pour relever les défis environnementaux, la durabilité restera un discours détaché du terrain.

Par ailleurs, le suivi des politiques publiques gagnerait en efficacité s’il s’accompagnait d’indicateurs clairs, transparents et régulièrement publiés. Trop de projets se revendiquant « durables » échappent encore à toute évaluation rigoureuse, ce qui nuit à la confiance et à l’adhésion collective.

Enfin, l’État et les grandes entreprises publiques et privées peuvent jouer un rôle décisif en soutenant l’économie sociale et solidaire, à travers des marchés publics mieux orientés vers les coopératives, les entreprises inclusives, ou les initiatives locales à fort impact social et environnemental.

Le Maroc de Mohammed VI a clairement posé les bases d’un développement durable structuré, ambitieux et tangible. Qu’il s’agisse d’énergie, d’infrastructures de gouvernance ou d’inclusion sociale, les avancées sont réelles et reconnues à l’échelle régionale comme internationale. Bien sûr, des défis subsistent, équité entre territoires, participation citoyenne, suivi rigoureux et ancrage culturel de la durabilité. Mais malgré ces obstacles, le Royaume poursuit résolument sa trajectoire. Le chemin est encore long, mais la direction est claire. Et c’est en renforçant la dimension humaine, locale et équitable de cette transition que le Maroc pourra pleinement faire de son modèle durable un levier de cohésion et de progrès partagé.

Rédigé par : WB

Laisser un commentaire

À lire aussi

Logo

Suivez-nous

https://web.facebook.com/profile.php?id=61577781017690
https://www.instagram.com/futudurable
https://www.youtube.com/channel/UCtzW6Cz5UEHJpFo4vEwwgww
https://www.linkedin.com/company/107767988/
https://x.com/futudurable