Contexte et méthode
Le 10 septembre 2025, le Chef du gouvernement a donné une interview télévisée de 1h17, diffusée simultanément sur Al Aoula et 2M. L’échange, présenté comme un bilan de quatre années de gestion, a abordé l’éducation, l’eau, la santé, l’emploi, le social et les infrastructures. Parce que le format est dense et les enjeux nombreux, nous proposons un dossier en huit articles. Chaque publication traite deux thèmes, avec un résumé fidèle puis une analyse de contenu (ce qui est dit, ce qui manque, contradictions éventuelles, effets rhétoriques). L’objectif est scientifique et non partisan : décrire, analyser, formuler des pistes sans jugements ad hominem.
Axe : Éducation et rentrée scolaire
Ce qui est dit : Le Chef du gouvernement insiste sur la rentrée scolaire comme moment-clé de son bilan. Il met en avant le chiffre de 8,3 millions d’élèves scolarisés cette année, présenté comme une réussite nationale. Il cite également la montée en charge des « écoles de l’excellence », sans préciser les critères qui les définissent. Il souligne la présence d’inspecteurs locaux et nationaux, censés contrôler la bonne application des directives, ainsi que la formation des enseignants à un « nouveau programme », dont le contenu n’a toutefois pas été détaillé. Enfin, il évoque la mise à disposition des moyens de base (tableaux, craies, manuels scolaires) comme si leur simple présence constituait un indicateur de progrès.
Ce qui manque : Le propos demeure essentiellement logistique et comptable, sans s’attaquer aux verrous structurels que rencontrent quotidiennement les familles et les enseignants. Les réalités du terrain sont pourtant connues : classes surchargées, parfois regroupant plusieurs niveaux dans une même salle ; établissements dégradés, dépourvus de fenêtres ou de sanitaires fonctionnels ; distances importantes parcourues par les élèves en zones rurales ; difficultés persistantes dans la maîtrise des fondamentaux (lecture, écriture) dès le collège. À aucun moment, le Chef du gouvernement n’explicite en quoi le « nouveau programme » annoncé viendrait répondre à ces défis structurels.
Analyse de contenu : L’insistance sur le registre du « nous avons (fait, équipé, formé) » relève d’une stratégie d’auto-légitimation par l’action. La logique de la quantification (effectifs, équipements distribués) semble primer sur la question de l’impact qualitatif (apprentissages réels, dispositifs de remédiation, réduction des inégalités territoriales). En 2025, valoriser la fourniture de craies et de tableaux peut paraître anecdotique, presque symbolique. Sans projet pédagogique détaillé, ce type d’annonce risque de perdre de sa force persuasive.
En creux, le discours gagnerait à expliciter trois points structurants :
Axe: Soutien social, cartables et allocations familiales
Ce qui est dit : Annonce de la distribution de 3,2 millions de cartables et du versement d’allocations via le Registre social unifié : 200 dirhams par enfant au primaire et 300 dirhams pour les collégiens/lycéens. Les manuels scolaires seraient proposés à des prix compris entre 4 et 17 dirhams.
Ce qui manque: Les montants annoncés ne couvrent que partiellement les coûts réels de scolarité (transport, fournitures, cantine), en particulier dans les zones rurales et enclavées. La soutenabilité budgétaire du dispositif (durée, critères de révision, mécanismes de correction des erreurs de ciblage) n’est pas clarifiée. Distribuer des cartables ou annoncer des prix bas ne répond pas aux défis majeurs : l’abandon scolaire, la fracture territoriale, et la qualité des apprentissages. Ces aides relèvent davantage du signal politique que d’une réforme éducative structurelle.
Analyse de contenu : Le discours mobilise une rhétorique du geste social visible : chiffres élevés, prix réduits, transferts simples. Cette mise en scène peut être perçue comme rassurante à court terme, mais elle élude des questions fondamentales :
• Quel impact réel sur la poursuite des études (assiduité, réussite scolaire) ?
• Quelle équité territoriale dans la distribution ?
• Quelle articulation avec des politiques de transport scolaire, de restauration et de réhabilitation des établissements ?
À l’approche d’échéances électorales, ce cadrage pourrait être lu (au conditionnel) comme une priorisation de l’affichage sur la réforme de fond.
À retenir (1/8)
Dans ces deux thèmes d’ouverture (éducation et soutien social), la parole gouvernementale privilégie des annonces quantifiables (effectifs, dotations, prix) et des gestes visibles.
L’analyse de contenu met cependant en évidence un angle mort récurrent : la qualité (des apprentissages, des infrastructures, du service rendu) et la réduction des inégalités territoriales demeurent peu abordées.
À suivre (2/8) : deux nouveaux thèmes, avec la même grille de lecture (fidélité du résumé, profondeur analytique, prudence méthodologique).
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