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Ce sixième volet du dossier poursuit l’analyse de contenu de l’interview télévisée du Chef du gouvernement du 10 septembre 2025. Après l’éducation, le social, le football, la cohésion politique, l’eau et l’agriculture, place à deux thèmes majeurs : la reconstruction post-séisme d’Al Haouz et la question du cheptel, présentée comme stabilisée grâce à la vision royale et aux pluies de 2025. Deux sujets où le contraste entre chiffres officiels et réalité vécue par les citoyens mérite un examen attentif
Axe : Réalisation post-séisme « Al Haouz »
Ce qui est dit: Deux ans après le séisme d’Al Haouz, le Chef du gouvernement affirme que le gouvernement a créé une agence dédiée et a organisé des réunions régulières de la commission ministérielle. 91 % des familles ont été relogées. Il cite la réhabilitation ou la reconstruction de 51 000 habitations, la distribution de 17 mois de soutien financier direct (2 500 DH par mois et par famille), une aide initiale de 63 000 DH puis 60 000 DH, la construction et la rénovation de 300 écoles, 200 écoles en cours de construction, et la planification de 40 hôpitaux de proximité. Le discours présente ce bilan comme une réussite majeure et honorable Il insiste : «il n’y a plus de grandes tentes» et «beaucoup de citoyens sont satisfaits». Pour les 9 % restants, il promet d’« aller jusqu’au bout ».
Ce qui manque : Si les chiffres officiels affichent une tendance positive, ils occultent toutefois la réalité de près de 9 % des familles toujours sans relogement, soit plusieurs milliers de personnes. De nombreux témoignages, relayés par la presse et les réseaux sociaux, décrivent des conditions de vie précaires, dans des abris exposés au froid, à la pluie et au vent. Des critiques émergent également sur la gestion des aides : certains ménages auraient bénéficié de plusieurs allocations, quand d’autres en auraient été exclus. Face à ces vidéos et accusations, l’exécutif garde le silence, sans confirmer ni infirmer leur véracité. Dans son allocution, le Chef du gouvernement n’évoque ni ces dysfonctionnements, ni les retards enregistrés sur certains chantiers, ni encore la question sensible du respect des architectures locales. Enfin, l’absence de transparence budgétaire demeure : montant global des dons, coût réel des opérations et dispositifs de contrôle restent inconnus, tout comme la place accordée aux citoyens dans le suivi du processus.
Analyse de contenu: La rhétorique est chiffrée et performative : les pourcentages et volumes (« 91 % », « 51 000 maisons », « 300 écoles ») visent à prouver l’efficacité gouvernementale. Mais l’absence de reconnaissance des difficultés persistantes (retards, inégalités de traitement, souffrance des familles restantes) crée un décalage avec l’expérience vécue par une partie de la population. L’interview installe un récit de « réussite accomplie » sans nuancer, au risque d’affaiblir la crédibilité du message auprès des citoyens concernés.
Axe : Soutien au cheptel et prix de la viande
Ce qui est dit: Le Chef du gouvernement rappelle qu’entre 2016 et 2023, la sécheresse a entraîné une forte baisse du cheptel (de 27 à 17 millions de têtes). Il attribue la reprise récente à deux facteurs, tout d’abord à la décision royale d’annuler l’Aïd al-Adha 2025 (qui a permis de préserver plusieurs millions de têtes non abattues) et aux pluies de la saison 2024-2025. En outre, pour stabiliser le marché, il souligne que le gouvernement a supprimé les droits de douane et la TVA sur l’importation de veaux, ce qui aurait permis de contenir la hausse des prix de la viande.
Ce qui manque: Les propos s’appuient sur une logique de reprise quantitative (« millions de têtes ») mais n’abordent pas la question de la durabilité : dépendance aux importations pour réguler les prix, fragilité structurelle face aux sécheresses futures, absence de politique claire de reconstitution du cheptel local à long terme. Le discours n’explique pas non plus pourquoi, malgré ces mesures, le prix de la viande reste relativement élevé pour une partie des ménages. La contradiction est d’autant plus visible que, dans d’autres passages de l’interview, le Chef du gouvernement évoque la difficulté des exploitations agricoles à recruter, alors que le chômage national demeure important.
Analyse de contenu
Le discours s’appuie sur une rhétorique de résilience : « malgré la sécheresse, nous avons reconstitué le cheptel », « grâce aux pluies et aux mesures royales, nous avons évité la crise ». Ce registre valorise la continuité et la capacité d’action.
Mais deux éléments communicationnels ressortent :
Le cadrage sur le court terme : suppression de taxes, importations, recours aux pluies. Cela montre une gestion réactive, mais pas de vision structurelle pour sécuriser durablement la filière. (Malgré les usines de dessalement mentionnées au début de l’interview, sans évoquer l’impact de cette pratique sur l’écosystème marin).
Un angle national-symbolique : la référence à l’annulation de l’Aïd al-Adha par le Roi sert de justification et de caution morale. Cette mise en récit associe l’action gouvernementale à une décision royale, renforçant l’idée d’un alignement total.
L’analyse communicationnelle met en lumière une absence d’anticipation affichée : au lieu de poser un cap sur la souveraineté alimentaire ou la gestion durable de l’élevage, le discours reste dans la logique du « nous avons agi ». Pour les citoyens, cette posture peut rassurer à court terme, mais elle laisse sans réponse la question clé : comment éviter que la même crise ne se reproduise ?
À retenir (6/8)
Dans ces deux axes, le schéma se répète : une parole officielle très quantitative (91 %, millions de têtes, exonérations fiscales) et un récit centré sur les réussites. Mais l’analyse de contenu montre un écart persistant entre l’annonce et la réalité vécue.
• Dans le cas du séisme, les chiffres occultent la persistance d’une population encore sans logement décent.
• Dans le cas du cheptel, les mesures sont présentées comme efficaces, mais elles ne répondent pas pleinement à la hausse durable des prix et à la vulnérabilité structurelle du secteur.
L’enjeu communicationnel reste le même : comment transformer un discours d’autosatisfaction en une communication crédible, qui reconnaît les zones d’ombre et explique les choix politiques de manière transparente aux citoyens ?
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